Se dire au revoir. (David Servan-Schreiber)

Séparé de sa mère, le bébé singe se blottit dans un coin de sa cage. Il semble implorer les chercheurs qui l’observent et dont le cœur se serre devant cette image de tristesse. Comme lui, nous, les mammifères sociaux, sommes extraordinairement sensibles à la séparation d’avec ceux que nous aimons. Celle-ci peut même être plus douloureuse que la douleur physique.

Pourtant, les séparations sont inévitables. Les grandes, comme la mort ou le divorce, ou les moins grandes, comme quitter un travail, des amis, ses enfants pour les vacances. Hélas, on nous a peu appris à dire au revoir. Face à leur maladresse toute naturelle, certains se drapent dans une fausse pudeur : « Je n’aime pas les adieux, je ne viendrai donc pas à la gare. » D’autres se parent de brusquerie qu’ils veulent bonhomme : « Bon, on ne va pas faire de sensiblerie, alors au revoir, hein ? »

D’autres encore – au fond, les plus courageux – fondent en larmes sans trop savoir qu’en faire. Dans “Le Petit Prince”, le renard trouve un nouveau sens à la couleur des champs de blé lorsqu’il se rend compte de leur ressemblance avec les boucles blondes de l’enfant devenu son ami. Saint-Exupéry raconte ensuite leur séparation :
« Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l’heure du départ fut proche :
— Ah ! dit le renard… Je pleurerai.
— C’est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t’apprivoise…
— Bien sûr, dit le renard.
— Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
— Bien sûr, dit le renard.
— Alors tu n’y gagnes rien !
— J’y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé. »

En effet, ce qui serait le plus triste quand on quitte un être qui nous est cher serait justement de ne pas être triste ! Cela voudrait dire que l’on n’a rien vécu d’important ensemble. C’est pourquoi, comme le montre le renard, il y a une formidable manière de dire au revoir. Il suffit de parler de sa tristesse, et de ce que l’on garde avec soi de l’autre. Une façon simple de s’assurer que le lien est plus fort que l’espace et le temps.

Lorsqu’elle dit au revoir à son petit garçon avant de le confier à son père pour un mois, Tamara lui rappelle que leur amour continuera à les animer intérieurement :
« Tu sais, nous serons un peu tristes de ne pas être ensemble. Alors quand je te manquerai, tu n’auras qu’à penser à ce que je dirais si j’étais là pour te consoler.
— Tu dirais “je t’aime”.
— Oui ! Tu vois, je serai avec toi tout le temps dans ta tête, et tu le seras dans la mienne. »

A sa façon, Tamara a redécouvert une technique de Milton Erickson, l’inventeur de l’hypnose moderne. A un patient un peu inquiet à l’idée de reprendre seul l’aventure de sa vie, Erickson rappelait : « Souvenez-vous, ma voix vous accompagnera toujours… »

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