Le corps aussi se souvient

"Aborder par l'histoire personnelle les souffrances du corps. Le corps garde en lui les souvenirs enfouis de vos souffrances d'enfants, de foetus, et même parfois de celles de vos parents et de vos ancêtres. Imprimées dans les muscles, les os et jusque dans la chair, ces douleurs résonnent dans votre corps et se réveillent au fil des événements de la vie. Trouver et comprendre les racines de ce qui vous fait souffrir, vous en libérer en agissant concrètement sur le corps pour le réparer, afin de ne plus subir votre histoire."

 

 

Notre corps ne ment pas. Il dit nos troubles, nos conflits, nos souffrances. Mais celles-ci sont-elles à l’origine de la maladie ? Jusqu’où notre passé peut-il influencer notre santé ? Le point sur les liens complexes entre la mémoire du corps et celle de l’esprit.

Flavia Mazelin-Salvi

 

Myriam Brousse, thérapeute et fondatrice de L’École de mémoire cellulaire (ecoledememoirecellulaire.fr), est l’auteure avec notre collaboratrice Valérie Péronnet de Votre corps a une mémoire (Marabout, 2009).

Tombée gravement malade il y a trente ans, Myriam Brousse a développé, pour se soigner, une méthode qu’elle a appelée « mémoire cellulaire » : le patient raconte son histoire au thérapeute, qui y repère les expériences douloureuses et les note. En relaxation guidée, il revient ensuite sur ces épisodes, prend conscience des effets physiques de leur évocation et les revit émotionnellement. Délivré de leur forte charge émotionnelle, il peut ensuite remonter jusqu’à l’événement originel, celui qui a fait, selon Myriam Brousse, un « faux pli » dans son corps. Ainsi, l’une de ses patientes qui souffrait d’emphysème, au point que les médecins ne voyaient plus d’autre solution qu’une opération des poumons, a-t-elle découvert, en travaillant avec la thérapeute, que ses crises d’étouffement étaient dues au corset que sa mère portait au cinquième mois de grossesse pour la dissimuler. « Revivant la mémoire foetale au cinquième mois, elle a pu se libérer grâce aux larmes provoquées par ce ressenti physique », expose Myriam Brousse, qui conclut : « C’est ainsi que s’opère le processus de guérison dans la mémoire du corps. » Reconnue par beaucoup, discutable selon certains, cette méthode est dans tous les cas née d’un principe admis par tous : le corps est le lieu où se raconte notre histoire la plus intime. Et notre santé, physique et psychique, est toujours en lien avec elle.

“C'est psychosomatique”

Une réalité que nous résumons par l’expression « c’est psychosomatique » pour désigner aussi bien un eczéma qu’un cancer. Mais qui sait ce que cela signifie réellement ? S’agit-il de la transformation d’un conflit psychique en symptôme physique ou bien d’une maladie dont les causes seraient multiples mais dans laquelle les facteurs émotionnels joueraient un rôle important ? La médecine penche aujourd’hui majoritairement pour la seconde hypothèse. « L’humain est un système fait de différents sous-systèmes, affirme Jean- Benjamin Stora, psychanalyste et psychosomaticien. Il n’existe ni “tout psychique” ni “tout physique”. Ce que l’on sait, c’est qu’un appareil psychique bien structuré est l’équivalent d’un système immunitaire costaud : il sait bien gérer ses défenses. »

Notre esprit influence notre santé

Charcot, Freud et les autres

Le terme psychosomatique (du grecpsukhê, « esprit », et sôma, « corps ») a été introduit au cours du XIXe siècle par le psychiatre allemand Johann Christian August Heinroth, qui avait remarqué l’influence de l’esprit sur l’évolution de la maladie. Plus tard, l’étude de l’hystérie par Jean-Martin Charcot et par Sigmund Freud a établi que les conflits psychiques s’exprimaient violemment dans le corps et que, pour « soigner » celui-ci, il fallait d’abord dénouer, par la parole, le conflit dans le psychisme. Les fondements de la psychosomatique seront ensuite posés par des psychanalystes comme l’Allemand Georg Groddeck et le Hongrois Sándor Ferenczi, puis développés aux États-Unis par Franz Alexander et en France dans les années 1960 par Pierre Marty.

Pour Pierre Marty, l’un des pionniers de la psychosomatique en France, moins nous sommes dans la conscience d’un événement douloureux ou stressant (ce qui permet d’évacuer sa forte charge émotionnelle), plus son impact dans le corps sera fort. C’est ce que l’on appelle une somatisation. « Cela signifie que le souvenir de l’événement reste dans le corps et se manifeste par des symptômes physiques », détaille Sylvie Cady. Pour la psychanalyste et psychosomaticienne, toute épreuve « perturbe notre rythme corporel, basé sur le duo “tension-dépression”. Si elle se transforme en conflit ou en impasse pour le sujet, elle peut se traduire par une pathologie psychosomatique ». De la plus bénigne à la plus grave. Ce qui est certain, c’est que plus nous restons coincés psychiquement dans un épisode difficile (divorce, deuil, licenciement…) plus notre mal-être s’exprime par des symptômes physiques. Dans ce cas, pour la psychanalyse comme pour les neurosciences, l’explication est à rechercher dans notre passé. « Nous connaissons aujourd’hui l’importance de la biologie de l’attachement, souligne Roland Jouvent, professeur de psychiatrie à l’université Paris-VI. Nous savons que la qualité de nos relations d’adulte dépend de la qualité de nos premiers liens affectifs et corporels, qui ont influencé notre physiologie et notre biologie. Raison pour laquelle nous pouvons dire que nos premières expériences déterminent notre patrimoine émotionnel. Ainsi, un grand choc affectif pas ou mal assimilé dans la petite enfance peut modifier notre chimie vers une tendance à l’anxiété et à la dépression, lesquelles favorisent les maladies cardio-vasculaires. » Mais, précise Roland Jouvent, « il ne s’agit pas de déterminisme pour autant, de nombreux autres facteurs interviennent, comme la gestion actuelle des émotions, la qualité de l’environnement, le patrimoine génétique, etc. ». Cela explique pourquoi, d’un individu à l’autre, face à un même événement traumatique, la réponse sera forcément singulière. « Sur deux femmes porteuses du gène du cancer du sein, l’une développera la maladie et l’autre pas, ajoute Jean-Benjamin Stora. Nous avons décodé le génome, mais pas les interrelations entre les gènes. » Preuve, selon lui, que « la mémoire du corps, multiple et complexe, échappe à toute grille de lecture univoque »

 

Écrire un commentaire

Quelle est la deuxième lettre du mot ecuf ? :