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PAS DE FÊTE POUR LES MAMANS !! Par O.Odinetz

Quand le prix du divorce est la confiscation de l’enfant

 « Bonne fête, maman ! Tu es la meilleure, la plus douce, la plus merveilleuse des mamans au monde ! » La fête des mères, ce n’est pas seulement la fête des femmes qui ont donné la vie. C’est la fête de la vie elle-même, la célébration d’un lien physique et psychique qui relie mère et enfant depuis des millénaires, de ce cycle natal du don qui est la source de notre humanité !

Mais ce dimanche 6 juin, des milliers de mères n’auront aucune nouvelle de leur enfant, et des milliers d’écoliers, le cœur meurtri, vont rendre une feuille blanche à leur professeur de dessin, n’ayant personne à qui écrire « Bonne fête, maman chérie ! ». Pendant que leurs petits camarades de jeux vont rentrer joyeux à la maison se blottir dans les bras de leur maman, ces enfants resteront seuls, orphelins d’une mère en larmes, punie pour avoir voulu quitter son conjoint qui restera toujours leur père. Au mois de juin, ce seront d’autres dizaines de milliers d’enfants qui refuseront d’écrire : « Bonne fête,papa ! ». En France, et un peu partout en Europe, la confiscation de l’enfant est devenue la dernière arme de la guerre du divorce, la plus sordide, la plus violente et la plus efficace pour se venger et détruire l’autre, celui qui vous quitte ou dont on veut se débarrasser.

enfant en colère : Portrait de jeunes filles hurlant aux yeux exorbités

 

 Si tu veux nous voir, tu n’as qu’à revenir vivre avec papa ! Tu l’as quitté – tu n’es plus notre mère ! », 

et l’enfant raccroche violemment le téléphone. Trente secondes, pour entendre la voix, à la fois rageuse et triste de sa fille - c’est tout ce qui reste à Laurence comme lien avec Alix, qui vient de fêter ses 16 ans uniquement avec sa famille paternelle. Le frère cadet renchérit : « Tu as fini de nous harceler ? », puis la voix de Sophie éclate en sanglots : « Comment oses-tu nous appeler, laisse-nous tranquille. On ne veut plus jamais te voir ». Six mois après la demande de divorce de Laurence, ses enfants ont exigé d’aller vivre avec leur père, terrorisés qu’il ne renouvelle sa tentative de suicide « car sans vous, il n’a plus de raison de vivre », leur a expliqué le grand-père paternel. Depuis, ils refusent de voir non seulement leur mère, mais toute la famille maternelle, ses voisins et les personnes de sa connaissance : « elle est dangereuse, elle nous maltraite…Tous ses amis et toute sa famille nous tapent aussi. Ils sont tous les ennemis de papa et veulent le mettre en prison ». Pendant deux ans, le père a emmené les enfants au commissariat déposer une main courante dans laquelle ils déclaraient que c’étaient EUX, les enfants, qui « de leur propre volonté » refusaient de voir leur mère.

Bernard, 10 ans, gratte violemment un bouton de moustique jusqu’au sang avec une pointe de couteau devant l’aide ménagère horrifiée, qui s’arrête de repasser. « Tu vas voir, ça va saigner encore plus… Ce soir, en rentrant chez papa, je vais dire que c’est maman qui m’a torturé. Et c’est bien fait pour elle, car il a déjà pris un rendez-vous avec le médecin pour moi. Papa n’est plus avec elle, alors c’est moi qui va lui faire la peau ! ». Il y a deux ans, ce sont les voisins de Caroline qui ont alerté la police, quand la petite fille de 7ans est venue frapper à leur porte à 22 heures : « venez vite, papa tape maman trop fort, il va la tuer…». Après des crises de violence répétées chez sa mère, Bernard est parti vivre chez son père, sans plus revoir ni sa sœur et son frère. Deux ans après le juge pour enfants note : « ..l’ampleur de la souffrance des enfants face au conflit parental. (Bernard) est manifestement en souffrance… il y a l

ieu de s’alarmer ». Le mari de Caroline vient d’être inculpé de violences conjugales, non paiement de pension alimentaire et enlèvement d’enfant. Mais Bernard reste chez son père et continue à refuser de voir sa maman

Après 15 ans de mariage avec un homme autoritaire, froid et exigeant, Emmanuelle passe des crises d’asthmes dans la dépression. De retour de convalescence, elle trouve les portes de sa maison verrouillées avec de nouvelles serrures et une plainte pour abandon de domicile. Un ami l’héberge. Après quelques mois, accusant sa mère d’avoir délaissé 

sa famille, sa fille Marianne, âgée de 14 ans, ne veut plus la voir, et lui hurle sa haine adolescente dans des jurons pornographiques que la mère ne comprend même pas. Au doigt, l’alliance

 qu

e son père lui a offert car elle est maintenant « la femme de la maison ». La juge note que « l’enfant est impliquée totalement dans la problématique 

conjugale et refuse avec violence …tout contact avec sa mère.. jusqu’à manifester de le haine…l’instauration d’un suivi psychologique de Marianne est indispensable ». A une dizaine de kilomètres de là, Francine aura supporté 27 ans de violences conjugales pour vivre le même déchirement avec sa fille de 11 ans.

Les deux enfants de Krystel sont partis le vendredi soir pour leur week-end de visite chez leur père, dont leur mère est séparée depuis un an. Dimanche, ils lui téléphonent pour lui annoncer qu’ils ne « veulent plus jamais la voir de toute leur vie, et que demain, quand ils vont venir chercher leurs affaires– ils ne veulent pas qu’elle soit là dans l’appartement ».

Vadim et Maïa ont été enlevés à l’âge de 7 et 9 ans par leur père à la sortie de l’école. Après 3 ans de recherche dans le monde entier, Nathalie les retrouve en cavale aux Caraïbes. Prévenu de l’arrivée de sa femme par les autorités locales, le père explique aux enfants qu’ils doivent fuir une fois de plus les « assassins que leur mère a payés pour les tuer ». Quelques années plus tard, c’est l’extradition vers la France. A l’aéroport, la joie de Nathalie vire au cauchemar, quand elle entend ses enfants, flanqués de leur avocat, lui crier leur haine et leur refus catégorique de la revoir. Le juge justifie la résidence des enfants chez la grand-mère maternelle, comme « la moins mauvaise solution ». Nathalie n’a plus aucune nouvelle de ses enfants depuis 3 ans.

Récemment divorcée, Hélène a envoyé il y a deux ans, ses trois garçons passer leurs vacances d’été avec leur père en Australie. Seuls deux enfants sont revenus : « Quand les deux autres seront des hommes, je les reprendrais. En attendant, tu es une mère formidable, et je te laisse t’en occuper tant qu’ils sont petits ».

Quand Clotilde demande le divorce, son mari simule le suicide et lui confisque les enfants. Pour se venger de sa femme, il emmène les deux pré-adolescents régulièrement voir des films pornographiques en leur expliquant que « toutes les femmes sont pareilles, elles ne servent qu’à cela et que leur mère est encore pire… ». Quand l’entrée du cinéma leur est refusée après contrôle de l’âge des enfants, il va louer des cassettes pour les regarder à la maison. La petite Catherine est âgée de 12 ans. Elle reviendra chez sa mère 8 ans plus tard. Aujourd’hui, elle a 28 ans, elle suit un traitement psychiatrique et ne supporte toujours pas de voir un homme se déshabiller devant elle.

Claudine voit son enfant de 8 ans selon le bon vouloir de son ex-mari. Elle ne veut pas porter plainte pour non représentation d’enfants, car « quand les juges constatent des conflits parentaux, ils retirent les enfants aux parents pour les placer dans des foyers ou des familles d’accueil ». C’est ce qui est arrivé à Maryline qui pendant 4 mois avait signalé en vain les énormes bleus qui marquaient régulièrement le corps de sa petite fille de 3 ans au retour de ses visites de chez son père. Le soir où l’enfant a été rendue inanimée à sa mère, Maryline s’est précipitée à l’hôpital. Le lendemain, l’enfant était placée en urgence, sans enquête ni audition des parents. Depuis 6 ans, malgré les non-lieux et les attestations médicales en sa faveur, Maryline n’a toujours pas retrouvé sa fille, qui vit dans une famille d’accueil dont elle ignore le nom et l’adresse. Au point rencontre, l’enfant l’accuse : « …la dame du foyer m’a dit que tout est de ta faute. Je dois vivre dans une autre famille parce que tu as voulu quitter papa et c’est très mal. Tu es coupable ».

Aucune de ces femmes ne passera la fête des mères avec leurs enfants, qui, sous l’emprise de leur famille paternelle, les rejettent ou nient même leur existence. Elles ont toutes une même histoire en commun : mères aimantes, elles n’ont jamais eu aucun problème avec leurs enfants jusqu’au jour où elles ont voulu se séparer du père de ces derniers. Leurs enfants, otages d’un terrible conflit de loyauté, ont défendu leur père qui s’est posé en victime abandonnée, et rejettent apparemment froidement et sans aucun remords non seulement leur mère mais toute la famille maternelle. Tous ces enfants ont une histoire en commun : ils sont victimes de maltraitance psychologique.

Un grand nombre de parents sont incapables de gérer l'après séparation et ne trouvent pas les compromis nécessaires pour protéger les enfants du conflit conjugal. Le refus d’un parent à prendre en considération les besoins de l’enfant à maintenir le lien à l’autre parent, va le conduire à soustraire l’enfant à toute une moitié de sa famille, et à empêcher l’ex-conjoint d'exercer ses devoirs et ses droits en matière d’autorité parentale.

La confiscation d’un enfant par un parent s’appuie sur son détournement psychique, et se traduit par la rupture du lien affectif entre l’enfant et son autre parent, qu’il est conduit à rejeter, souvent au prix de fausses accusations. Cette confiscation est souvent l’aboutissement d'un conflit de couple très complexe et douloureux, avec des antécédents plus ou moins visibles de comportements violents, de maltraitances et de menaces. Le parent « ravisseur » développe un comportement vindicatif et violent, qui peut devenir très rapidement pathologique, voire dangereux, avec des discours délirants et paranoïaques.

Ces situations, particulièrement douloureuses et traumatiques pour le parent « rejeté » et pour toute sa famille, sont reconnues par tous les professionnels de l’enfance, comme extrêmement dangereuses pour l’enfant, qui va devoir construire sa personnalité d’adulte dans l’illusion, le déni et le mensonge, privé de son parent, auparavant aimé et toujours aimant. Instrumentalisé dans cette guerre de la rupture, il devient un enfant-soldat, à qui il incombe de détruire l’image du parent qu’il doit rejeter pour conserver l’amour du parent qui le maintient sous son emprise.

L’histoire de ces femmes et de ces enfants se répète dans des centaines de milliers de familles. C’est aussi celle d’un nombre encore plus important de pères. En France, les commissariats et les gendarmeries enregistrent chaque année près de 30.000 plaintes pour non-représentation d’enfants, qui mettent en cause environ 10.000 hommes et 20.000 femmes. Mais combien de parents ne portent pas plainte, soit par peur, soit par découragement face un parcours juridique exténuant dans lequel « les affaires de familles » sont généralement fois classées sans suite, ou renvoyées vers d’interminables et dispendieuses médiations ? Si l’on applique à la délinquance parentale, le calcul utilisé en matière de violence familiale, selon lequel à peine une victime sur dix aura le courage de déposer une plainte, c’est un demi-million de parents qui seraient privés de leurs enfants.

Faute de pouvoir résoudre des problèmes où le poids du facteur humain individuel dépasse celui du droit public, la justice ne prend plus aucune décision en cas de conflits, et renvoie les protagonistes vers un nombre croissant d’intervenants qui participent d’un nouveau champ économique en expansion, celui du marché du divorce : enquêtes sociales, examens médico-psychiatriques, médiations pénales, actions éducatives, suivis psychologiques… En dernier recours, les tribunaux mettent à disposition des parents rejetés des « points rencontre », où quelques heures de présence forcée une ou deux fois par mois, doivent répondre symboliquement aux exigences des conventions internationales sur le droit de l’enfant et le droit de la famille.

A l’heure où le devoir de responsabilité parentale est rappelé par les toutes institutions engagées dans la protection de l’enfance et la lutte contre la délinquance, nous devons nous interroger sur le modèle éducatif que le parent ravisseur, qui s’inscrit généralement sur le plan juridique dans un cadre que l’on pourrait qualifier de délinquance parentale récidiviste en matière de droit de la famille, va donner à son enfant, du fait qu’il est conforté dans sa toute-puissance par une impunité juridique quasi-totale.

Au problème du danger psychologique dans lequel se trouvent les enfants et à l’impunité du parent « ravisseur », s’ajoute celui de la non reconnaissance du statut de victime du parent « rejeté » et de l’insuffisance de sa prise en charge. Les parents abandonnés vivent une détresse profonde, un sentiment d’échec de n’avoir pas pu protéger leur enfant du conflit conjugal.

Mais pour le parent rejeté, il ne s'agit pas seulement d'une question de droits. Sa responsabilité auprès de l’enfant et les devoirs qu’il doit remplir auprès de lui, lui sont confisqués autant que son enfant. Or, l e droit au maintien des relations entre parents et enfants n'est pas seulement un droit civil, mais un droit de l'Homme. Il fait l’objet d’une convention du Conseil de l’Europe dite « Convention sur les relations personnelles concernant les enfants » signée à Strasbourg, le 15 mai 2003 que la France n’a pas encore ratifiée.

Pendant des années, les parents abandonnés qui cherchaient désespérément à renouer les liens avec leurs enfants, se sont entendus répondre qu'avec le temps, tout s'arrange et qu’un jour forcément, la vérité éclate. Mais les faits prouvent que cette théorie est loin d’être toujours vérifiée. Beaucoup d’enfants devenus adultes sont en rupture totale du lien au parent absent et ne reviennent jamais. Des évènements tragiques d’actualité nous l’ont tristement rappelé l’été dernier.

Le paysage social de la France a changé imperceptiblement, sans que le législateur prenne conscience des nouveaux risques qui menacent les personnes les plus vulnérables de notre société, à savoir nos enfants. Selon les statistiques officielles de l’INSE et du Ministère de la Justice, on comptait en 2002, 127.463 divorces pour 280.000 mariages. De plus, le mariage n’est plus le modèle familial unique : le concubinage concerne plus de 2 millions de personnes et le PACS 135.000. En 1999, 1.600.000 enfants vivaient déjà dans des familles recomposées et 2.700.000 dans des familles monoparentales. Les résidences alternées, introduites en 2002, correspondent à 10% des divorces, et concernent entre 20.000 et 25.000 enfants. A ces chiffres s’ajoutent les quelques 400.000 enfants placés dans des foyers ou des familles d’accueil.

A l’heure où le désir d’enfant s’est autonomisé par rapport au mariage, où le modèle familial traditionnel tombe en désuétude, où le projet conjugal se distingue des aspirations parentales, où les discours théoriques des psychiatres sont remis en question, de même que le fonctionnement égotique de la justice, il est temps de s’interroger sur les capacités des institutions et des adultes à protéger nos enfants pour leur permettre d’avoir non seulement leurs deux parents mais également une enfance. A part entière. Heureuse. Avec une fête des Mères et un mois plus tard, une fête des Pères.