À quoi nous servent nos regrets ? Anne laure Gannac

Pesants et vains, ils peuvent aussi être une source d’enrichissement, voire un moteur pour agir mieux, en accord avec nos besoins

Qu'est-ce que le regret ?

 

Pourquoi est-ce que je ne lui ai pas dit que je l’aimais ? », « Je regrette tellement de ne pas avoir fait d’études »… Le regret parle d’un manque, d’une absence. C’est cet acte, ce choix que nous n’avons pas fait et dont nous estimons, trop tard, qu’il aurait pu nous apporter une satisfaction. Il se distingue ainsi du remords, qui vient avec la conscience d’avoir mal agi, même si, dans le langage courant, nous parlons toujours, dans ce cas, de regret : « Je regrette de t’avoir dit cela. »

Les bénéfices du regret

Puisque le regret appartient au passé, à quoi bon s’infliger cette souffrance psychique ? Parce que, pour peu que nous apprenions à le regarder autrement, il peut devenir bénéfique, explique la psychologue et psychothérapeute Isabelle Filliozat : « Regarder dans le rétroviseur, c’est prendre conscience de l’autre option qu’il était possible de choisir, donc réfléchir sur notre décision passée… » Et se connaître un peu mieux. D’autant que, « au fond, c’est toujours la même chose que nous regrettons : de ne pas nous être écouté, de ne pas être allé dans le sens de nos besoins ». Le regret est constructif, affirme la psychothérapeute, « dès lors que nous prenons le temps de réfléchir à ce qu’il nous dit de nous : pourquoi est-ce que je ressens cela ? Pourquoi est-ce que, ce jour-là, je ne me suis pas davantage écouté ? »

L’objectif : en tirer une leçon pour le futur. Ou en profiter pour réparer. Par exemple : je m’en veux de ne pas avoir montré plus de motivation à cet entretien d’embauche ? Au prochain rendez-vous, je dirai clairement à quel point je désire ce poste. Je regrette de ne pas avoir aidé tel ami ? Il est toujours temps de lui en parler et de m’excuser. C’est le repentir, autre déclinaison et issue positive à ce sentiment, qui permet une réconciliation avec son passé.

Parce qu’il nous renseigne sur ce qui nous rendrait plus heureux, le regret est à écouter avec attention, comme un signal d’alerte. « Attention cependant à ne pas s’enfermer dans la culpabilité », prévient Isabelle Filliozat. C’est elle qui rend le regret douloureux (« Si j’avais répondu à son appel, peut-être serions-nous toujours amis »)… « S’il est bon de regarder derrière pour reprendre contact avec soi, il est essentiel de vite revenir au présent et de regarder devant. » Avec, pour horizon, la sortie définitive du regret et l’adhésion totale à nos décisions d’aujourd’hui. « C’est un homme sage celui qui ne regrette pas ce qu’il n’a pas mais se réjouit de ce qu’il possède », écrit Épictète. Savoir se dire : « Le choix que j’ai fait est le bon puisqu’il est celui que je fais », c’est le début, sinon du bonheur, en tout cas d’une certaine sagesse.

 

Regret et remords

On confond souvent regrets et remords. Voici un exemple pour mieux comprendre la nuance :
Il dit : « Je vais te quitter. »
Elle répond : par un silence (regret) ou « Pars, je m’en fiche. » (remords)

Il la quitte et elle se dit :
« J’aurais dû lui demander de rester. » (c'est un regret)
« Je n’aurais jamais dû lui répondre ça. » (c'est un remords)

Elle se sent coupable… de ne pas avoir agi en ne répondant que par le silence (c'est un regret) d'avoir agi (c'est un remords)

Souffrances invisibles..rendre l'invisible visible

 

Face aux PN, ce que dit la loi

Voilà bientôt trois ans que la loi "relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants" a été adoptée. Ce texte a créé le délit de harcèlement moral au sein du couple, mais l'immense majorité des pervers narcissiques qui exercent des violences morales contre leur conjoint continuent à échapper à la justice.

(En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/actualite/societe/vers-une-nouvelle-definition-du-harcelement-au-sein-du-couple_1261946.html#Djxdsl1Y2TC2yzRJ.99)

 

CC Flickr Léa Bouillet

Jusque-là strictement limitée à la sphère professionnelle, la notion de harcèlement moral s'entend aussi, depuis 2010, au sein des relations de couple, envers les hommes autant qu'envers les femmes. La loi du 9 juillet 2010, relative aux violences faites aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, condamne par l'article 222-33-2-1 « le fait de harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ». 

Ici aussi, comme dans le cadre du harcèlement moral au travail, il est nécessaire de pouvoir prouver les faits et leurs conséquences, via des attestations de proches, des certificats de spécialistes, des témoignages concordants... 

L'élargissement de la loi au harcèlement moral conjugal vient renforcer la sécurité psychologique dans le couple puisqu'auparavant, seules les violences physiques étaient punissables. 

Par ailleurs, ces dispositions concernent aussi les anciens conjoints ou anciens concubins de la victime, ainsi que d'anciens partenaires liés à cette dernière par un pacte civil de solidarité. 

Ce délit est désormais passible de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, ou cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, en fonction de la gravité des dommages subis. 


Source : http://www.justice.gouv.fr/justice-penale-11330/le-delit-de-harcelement-moral-23635.html

 

Qu'est-ce que la violence psychologique ? 
Abus de pouvoir et de contrôle qui s’expriment le plus généralement dans les comportements suivants, reconnus comme forme de violences psychologiques : 
-          Rejet de la personne : ignorer sa présence ou sa valeur, lui faire comprendre qu’elle est inutile et inférieure, dévaloriser ses idées et ses sentiments 
-          Isolement : réduire les contacts, restreindre sa liberté de mouvement 
-          Dévalorisation : insulter, ridiculiser, parodier, infantiliser, se comporter d’une manière qui porte atteinte à son identité, à sa dignité ou à sa confiance en soi 
-          Terroriser la personne : lui inspirer un sentiment de terreur ou de peur extrême, la contraindre par l’intimidation, la placer en milieu inapproprié ou dangereux ou bien menacer de l’y placer 
-          Menaces d’abandon, de violences graves, de mort… 
  
Qu'est-ce que le harcèlement moral ? 
Le harcèlement moral se définit comme toute conduite abusive (geste, parole, comportement, attitude…) qui porte atteinte, par sa répétition ou sa systématisation, à la dignité ou à l’intégrité psychique ou physique d’une personne. 
Subir ces violences peut avoir de graves conséquences sur les victimes (enfants, adultes, personnes âgées) elles ont alors besoin 
·         D’être entendues 
·         D’être accompagnées 
·         D’agir 
  
Dans le milieu familial : 
On peut détruire quelqu’un juste avec des mots, des regards, des sous-entendus : cela se nomme violence perverse ou harcèlement moral.  Marie-France HIRIGOYEN, psychiatre, psychanalyste et psychothérapeute familial, «Le harcèlement moral », ed. Syros 
La loi du 9 juillet 2010 est venu créer, à l'instar du délit de harcèlement moral en entreprise, un délit de harcèlement moral au sein du couple défini dans le nouvel article 222_33_2_1 du code pénal. 
Au plan civil, la loi du 9 juillet 2010 instaure un dispositif tout à fait novateur : "l'ordonnance de protection" qui peut être délivrée par le juge aux affaires familiales lorsque le Juge estime qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission de faits de "violences exercées au sein du couple ou au sein de la famille, par conjoint ou un ancien conjoint, un partenaire ou un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un concubin ou un ancien concubin mettant en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants". 

 

 

Se dire au revoir. (David Servan-Schreiber)

Séparé de sa mère, le bébé singe se blottit dans un coin de sa cage. Il semble implorer les chercheurs qui l’observent et dont le cœur se serre devant cette image de tristesse. Comme lui, nous, les mammifères sociaux, sommes extraordinairement sensibles à la séparation d’avec ceux que nous aimons. Celle-ci peut même être plus douloureuse que la douleur physique.

Pourtant, les séparations sont inévitables. Les grandes, comme la mort ou le divorce, ou les moins grandes, comme quitter un travail, des amis, ses enfants pour les vacances. Hélas, on nous a peu appris à dire au revoir. Face à leur maladresse toute naturelle, certains se drapent dans une fausse pudeur : « Je n’aime pas les adieux, je ne viendrai donc pas à la gare. » D’autres se parent de brusquerie qu’ils veulent bonhomme : « Bon, on ne va pas faire de sensiblerie, alors au revoir, hein ? »

D’autres encore – au fond, les plus courageux – fondent en larmes sans trop savoir qu’en faire. Dans “Le Petit Prince”, le renard trouve un nouveau sens à la couleur des champs de blé lorsqu’il se rend compte de leur ressemblance avec les boucles blondes de l’enfant devenu son ami. Saint-Exupéry raconte ensuite leur séparation :
« Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l’heure du départ fut proche :
— Ah ! dit le renard… Je pleurerai.
— C’est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t’apprivoise…
— Bien sûr, dit le renard.
— Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
— Bien sûr, dit le renard.
— Alors tu n’y gagnes rien !
— J’y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé. »

En effet, ce qui serait le plus triste quand on quitte un être qui nous est cher serait justement de ne pas être triste ! Cela voudrait dire que l’on n’a rien vécu d’important ensemble. C’est pourquoi, comme le montre le renard, il y a une formidable manière de dire au revoir. Il suffit de parler de sa tristesse, et de ce que l’on garde avec soi de l’autre. Une façon simple de s’assurer que le lien est plus fort que l’espace et le temps.

Lorsqu’elle dit au revoir à son petit garçon avant de le confier à son père pour un mois, Tamara lui rappelle que leur amour continuera à les animer intérieurement :
« Tu sais, nous serons un peu tristes de ne pas être ensemble. Alors quand je te manquerai, tu n’auras qu’à penser à ce que je dirais si j’étais là pour te consoler.
— Tu dirais “je t’aime”.
— Oui ! Tu vois, je serai avec toi tout le temps dans ta tête, et tu le seras dans la mienne. »

A sa façon, Tamara a redécouvert une technique de Milton Erickson, l’inventeur de l’hypnose moderne. A un patient un peu inquiet à l’idée de reprendre seul l’aventure de sa vie, Erickson rappelait : « Souvenez-vous, ma voix vous accompagnera toujours… »

Tous les parents sont-ils coupables? (vilaine Gelly)

Nous leur en voulons souvent de ne pas nous avoir aimés comme nous le souhaitions. Pourtant, grandir c’est aussi faire le deuil de nos déceptions et de nos illusions. Pour réussir à dépasser enfin le fantasme des parents parfaits.

C‘est une anecdote galvaudée, mais on ne s’en lasse pas : à l’une de ses patientes qui lui demandait comment être une bonne mère, Freud aurait répondu : « Quoi que vous fassiez, vous ferez mal. » En un sens, le père de la psychanalyse avait raison : il n’est pas un parent qui échappe aux reproches de son enfant.

De « Maman ne m’a pas assez pris dans ses bras » à « Je n’attache pas mes cheveux parce que mon père se moquait toujours de mes oreilles décollées », on y revient toujours.

De la souffrance avant tout ?

A “Psychologies magazine”, quand l’un ou l’une d’entre nous se laisse aller à dire du mal de ses géniteurs (légère déformation professionnelle…), on appelle ça le "syndrome Thénardier", en référence à l’affreux aubergiste qui maltraite la petite Cosette dans “Les Misérables” (Folio, 1999). D’ailleurs, la littérature est pleine de ces doléances lancinantes, vouant les parents aux gémonies. Et les divans des psys débordent de "trentenaires-et-plus" qui, n’ayant pas rompu le lien fusionnel avec leurs parents, le manifestent par des reproches sans fin. La preuve a contrario : au cours d’une soirée, lâchez négligemment : « Moi, j’ai des parents formidables », et vous verrez les regards se tourner vers vous, remplis de commisération : vous êtes forcément dans le "déni".

Car les psys s’accordent à dire que la carence comme le trop-plein d’amour peuvent être source de souffrance : que nos parents nous aient surinvestis ou qu’ils nous aient malmenés, nous en portons les cicatrices, intimes et profondes. Ces empreintes inscrivent en nous le ressentiment, la colère, la rancœur et parfois la haine. Et nous ne parlons pas ici des sévices, de la maltraitance ou de la violence. Mais d’une claque tombée au mauvais moment, de la répétition de paroles vexantes, de la position de chouchou dans la fratrie… Tous ces souvenirs rabâchés ne cessent de nous blesser, au risque de nous gâcher la vie.

Que reproche-t-on à nos parents ? Tout et n’importe quoi. Des violences parfois, mais également des broutilles. Alors pourquoi cette souffrance ? Pourquoi ce besoin de ressasser ? Certes, les thérapies et la psy mal comprises peuvent nous entretenir dans ce phénomène. Mais l’honnêteté pousse également à dire que, parfois, leur en vouloir nous arrange. « Beaucoup de personnes souffrent de leurs parents, explique la psychanalyste et pédopsychiatre Caroline Eliacheff. Se placer en position de victime procure une sorte de jouissance, la souffrance subie devient alors la seule raison d’être du sujet, qui finit par s’y complaire. »

Et tant que c’est la faute de papa-maman, on ne se sent pas responsable de son incapacité à garder un travail ou un compagnon. Ni assez lucide pour comprendre que l’on ne tombe jamais amoureux de la bonne personne parce que l’on choisit toujours celui ou celle qui va surtout plaire à maman ou déplaire à papa. Et on reste prisonnier de liens infantiles aliénants que l’on alimente à force de reproches.

 

Grandir, c’est faire avec

Pour le sociologue Robert Ebguy, auteur de La France en culottes courtes (J C Lattès, 2002), « la mode des thérapies ou des techniques de développement personnel qui prônent le “lâcher-prise” légitime le désengagement et la régression narcissique. Et l’une des tentations de ce désengagement est de jouer la carte de la victimisation : “Ce n’est pas de ma faute.” Sous-entendu, c’est celle de papa-maman. D’autant que, à trop vouloir combler leurs enfants rois, les parents ont parfois oublié de leur apprendre que la vie n’était qu’une succession de frustrations. A commencer par l’Œdipe qui empêche le petit garçon d’épouser sa maman ! »

Accepter ses parents, c’est faire le deuil d’un parent idéal, au même titre que les parents doivent, inévitablement, faire le deuil de l’enfant idéal. Accepter que papa et maman ne soient pas parfaits, c’est prendre sa place dans une lignée, dans une généalogie pleine de failles, où des générations de parents ont fait ce qu’ils pouvaient, comme ils pouvaient, avec leurs propres souffrances et leurs propres ressentiments. Grandir, « c’est faire avec ce qu’ils sont », nous dit Maryse Vaillant. L’acceptation des failles parentales est une des voies ordinaires de la maturité, celle qui permet de sortir du cocon de la dépendance première. Mais rompre ces liens-là, grandir tout simplement, est douloureux. Rester dans l’enfance affective, c’est rester dépendant du regard des parents sur nos vies. Même à six cents kilomètres de distance puisqu’il suffit qu’au téléphone votre mère critique le prénom que vous voulez donner à votre bébé pour que vous fondiez en larmes.

Une fois compris, avec Françoise Dolto, que « ce n’est pas de leur faute, c’est de leur fait », on peut laisser tomber la rancœur. Tous ceux qui parlent du « métier de parents » oublient de préciser que l’on cherche désespérément l’école où il est enseigné. On n’apprend pas à devenir parent. On le devient grâce ou en dépit des relations que l’on a soi-même entretenues avec ses propres géniteurs. Et c’est en mesurant cette chaîne généalogique et en y tenant sa place, le jour venu, avec ses propres enfants et les reproches qu’ils nous feront, que l’on prend le chemin de l’acceptation. Après tout, conclut Caroline Eliacheff, « accepter les reproches de ses enfants, c’est se réjouir de leur avoir donné leur propre jugement et la liberté de l’affirmer ». Et c’est déjà beaucoup.

Le reproche

« Il y a quelques années, j’ai vécu des moments difficiles, notamment parce que j’étais incapable de construire une histoire d’amour sérieuse, avoue Agnès, 40 ans, architecte. Au cours d’un stage de développement personnel, j’ai beaucoup parlé de mon père, de son manque de tendresse, de sa lâcheté et de l’enfer qu’il avait fait vivre à ma mère. Et puis, à un moment, la thérapeute s’est énervée.

“D’accord, ton père t’a fait souffrir et personne ne nie ta douleur. Mais à dater d’aujourd’hui, de cette heure précise, tu vas devenir coresponsable de cette souffrance. Si tu continues à l’entretenir, c’est qu’elle te sert d’alibi pour ne pas prendre le risque de vivre. Et ça, ce n’est pas la faute de ton père, c’est de ta responsabilité.” Ce fut violent mais salutaire. J’ai compris que je me cachais derrière mon père pour masquer ma peur de l’autre. Ce coup de pied aux fesses a changé ma vie. »

Honore ton père et ta mère

Appliquer ce commandement implique d’abord de savoir qui l’on est, explique Jean-François Noël, prêtre et psychanalyste.

« Les croyants entendent souvent les phrases bibliques comme des impératifs. Or, elles sont pédagogiques : elles proposent un chemin. Quand, dans l’Evangile, le Christ dit : “N’ayez pas peur”, les croyants se disent : “Je ne dois pas avoir peur, donc je n’ai pas peur.” Mais, pour cesser de trembler, il faut d’abord avoir expérimenté la peur. Dans la même logique, lorsque Dieu nous demande d’honorer notre père et notre mère, c’est parce que chacun doit travailler sur un sentiment qui ne va pas de soi. Honorer ses parents, c’est leur “rendre honneur”. On ne peut pas séparer ce commandement de cette autre phrase biblique : “Tu quitteras ton père et ta mère.”

Car, après les avoir quittés, on doit retrouver une relation au sein de laquelle, même si l’on passe inévitablement par un temps de reproche, on peut être suffisamment soi-même. Honorer ses parents, c’est reconnaître la part d’humanité qu’ils nous ont confiée en nous donnant la vie et la faire fructifier. Cela n’exclut pas d’avoir des devoirs envers eux. Mais cela n’implique pas, pour autant, être obligé de les aimer. »

A lire

• Peut-on faire le bonheur de ses enfants ? de Pauline Bebe, Caroline Eliacheff et Pierre Lassus. 
Faire le bonheur de ses enfants, c’est quoi ? Des éclairages historiques, religieux et psychologiques clairs et passionnants (L’Atelier, 2003).

• Parents toxiques de Susan Forward. 
Parce que certains parents (démissionnaires, manipulateurs, dominateurs, méprisants, critiques, etc.) 
sont néfastes au développement de la personnalité de leur enfant, l’auteur propose des pistes pour sortir à l’âge adulte de leur emprise (Marabout, 2002).

• Le Lien parental de Marie-Laure Delfosse-Cicile. 
Une réflexion sur la mission parentale et les conséquences de la démission des parents (Panthéon-Assas, 2003).

 

 

Pourquoi la peur? (Saïda Mekrami)

Que cache l’effroi, la terreur et la panique ? 
Avons-nous la possibilité de contrôler notre peur ? 

Résultat de recherche d'images pour "image de la peur"Tremblements, gorge nouée, tachycardie ou encore sidération, pincements au cœur, insomnie… Souvent la peur se manifeste à nous par des phénomènes physiques qui engendrent un désordre et amoindrit nos défenses naturelles. Nous ressentons la peur comme un déséquilibre intérieur, une sorte de faiblesse physique. Les signes symptomatiques de la peur nous submergent et nous font perdre notre capacité à être. La peur monte en nous telle une fièvre pour laisser ensuite place à une frayeur sournoise, dégradant peu à peu notre santé mentale. Ainsi la crise nous installe dans une sorte de paralysie psychique nous ôtant tout jugement objectif et même toute capacité à réfléchir. 
La peur nous habitue peu à peu à déformer le réel et La situation de panique nous amène à intégrer des pensées erronées sur le monde qui nous entoure. Le stress nous isole et nous plonge dans une détresse accentuant ainsi la fatigue et favorisant l’apparition des maladies. Les conséquences physiologiques et psychologiques de cet état de mal-vivre nous révèlent la souffrance enfouie en nous et qu’on essaye par tous les moyens d’ignorer. Nos peurs ont des choses à nous dire sur nous-mêmes. La peur agit ici comme un catalyseur mettant alors en évidence tout ce qui sommeille dans notre inconscient. 
Certains s’accommodent de leur peur ou arrivent à la neutraliser en projetant sur l’autre ce qu’ils ne peuvent éprouver. D’autres se résignent à s’enfermer dans une sorte de camisole chimique pendant plusieurs mois voire des années, mais tous nous essayons de ne pas nous y confronter. 

La plupart de nos peurs ne sont pas innées mais apprises à la suite d’expériences traumatisantes. Ainsi, la peur apparaît très tôt chez le nourrisson et s’imprime de façon automatique par le corps. La peur, émotion fondamentale est dans ce cas une première tentative du processus d’élaboration de l’effroi « tel que Freud a pu le définir »(1). Si consciemment nous décidons d’ignorer nos sentiments, le corps par la maladie nous trahit et parle. Il y’a là quelque chose de notre histoire qui se met en place et s’imprime dans notre chair. Notre corps possède sa propre mémoire et, si nous nous oublions délibérément nos traumatismes, notre corps, lui, s’en souvient. Jung soutient que le corps représente « une réalité indépendante » à lui tout seul. Le corps se charge alors, indépendamment de La volonté, de montrer la vulnérabilité de notre intériorité. Par le biais de la somatisation nous exprimons ce qu’on ne peut ni nommer ni même penser. 

Mais que pouvons-nous faire pour lutter contre l’emprise de la peur? Et comment aller au-delà de cette peur et prendre conscience de ce qui nous terrorise ?

La peur qui envahit notre vie, nous ne pouvons nous y soustraire et encore moins la contrôler, mais nous avons la possibilité de la faire surgir à la conscience. Par le passé, suite à nos traumatismes, nous avons appris des réactions peur-défense qui sont en réalité des mécanismes comme par exemple le déni, le refoulement, la projection etc.…. Dés que la peur grandit et devient maladie, l’individu enfermé dans ce genre de conditionnement se trouve « interdit de vivre ». Ainsi la peur exerce sur lui et à chaque instant une emprise terrible, difficile à neutraliser. Ceci parce que, probablement, ces peurs reflètent ses propres résistances intérieures. Nous construisons une carapace qui se trouve justement liée à la nature de nos peurs. Cette carapace remplit en même temps la fonction de protection et d’anesthésie. En effet, le fait de résister à ressentir la peur à tout prix, nous engourdit envers les autres sentiments, quels qu’ils soient, négatifs ou positifs. 

Toute crise ou passage à vide est une opportunité pour nous de prendre conscience de ce qui s’exprime en nous. Et plus spécialement la peur qui offre une phase féconde pour tout processus thérapeutique. Par la confrontation à une partie de nos propres peurs, nous acquérons la force d’agir sur nous-même. Et progressivement, nous prenons conscience de ce qui agit en nous grâce à une véritable compréhension des mécanismes à la racine de nos traumatismes. L’objectif dans ce cas n’est pas de chercher à éliminer la peur à tout prix mais de se servir de ce symptôme pour aller débusquer les conséquences des traumatismes qu’on a vécu par le passé à cause de la peur. 
L’individu peut alors réaliser ce qu’on peut appeler « une reviviscence» permettant ainsi une intégration optimale des sentiments négatifs. Et ce n‘est que lorsqu’une partie de nos peurs se trouve affaiblie, qu’on peut alors accéder à une certaine conscience de soi, beaucoup plus large. Grâce à cette conscience élargie, on va pouvoir saisir de quoi parlent nos peurs et en trouver sens. Ces états que crée la peur doivent être acceptés puis intégrés par l’individu dans son histoire personnelle. Dans « l’ici et maintenant » la peur alliée de la sensation physique va nous permettre d’ouvrir « à l’instar d’une clé » la voie de notre intériorité. Et ce n’est qu’après cette acceptation qu’on arrive à canaliser la peur et appréhender la réalité de façon singulière et sereine. 

Note:

1-Freud « Inhibitions, Symptômes et Angoisses » 

Par Saïda Mekrami
Psychologue clinicienne, Psychothérapeute, Psychanalyste
Paris, France